Josèphe recopie par endroits des phrases entières du texte d'Esd.A' dont il a manifestement sous les yeux un exemplaire très proche de celui que nous connaissons. Il va sans dire que cette apparente fidélité pourrait tout aussi bien trouver sa source dans une harmonisation du texte de Josèphe à partir de la LXX; cependant cette harmonisation n'aurait rien eu de systématique, et elle reste assez improbable.
Josèphe suit Esd.A' qu'il préfère aux leçons de notre TM (étant entendu que cette "préférence" pour Esd.A' n'est peut-être aussi bien que l'accord de Josèphe avec le TpM traduit par Esd.A', et que notre TM n'était pas forcément celui que lisait Josèphe). Cependant Josèphe varie l'expression, soit par l'utilisation d'un synonyme qui la plupart du temps ne semble pas ajouter un sens très important
[2]
, soit par une légère modification du vocabulaire (le procédé le plus fréquent est l'utilisation d'un même radical, dont Josèphe, pour varier l'expression, modifie les préfixes
[3]
, ou bien le recours à un verbe là où Esd.A' utilise un nom, et inversement
[4]).
Josèphe suit l'hébreu contre la leçon d'Esd.A'
[5]).
Josèphe ajoute des gloses, des remarques qui ne sont ni dans le TM, ni dans Esd.A', et dont on ne trouve de traces dans aucun autre état du texte: il s'agit là visiblement d'interventions personnelles, la plupart du temps à caractère explicatif, qui ne bouleversent pas radicalement le sens général du texte; il faut néanmoins préciser que ces remarques ne sont pas forcément toutes anodines, et qu'elle manifestent en particulier une certaine volonté d'infléchir le récit (sympathie pour le roi Josias, ou bien encore volonté d'effacer tout ce qui pourrait donner une mauvaise image d'Israël à un non-Juif, etc.).
[1]
Sur tous les problèmes que pose l'étude complexe de cet auteur, on consultera l'introduction aux Antiquités Juives de Flavius Josèphe (livres I à III), Paris, 1992, rédigée par d'E.NODET, avec la collaboration de G.BERCEVILLE et É.WARSCHAWSKI, en attendant l'Introduction générale annoncée pour la fin de la série.
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Pour lire correctement les termes grecs, vous devez avoir la police Athenian.
L'historien est particulièrement complexe à étudier
[1]
, principalement parce qu'il semble ne pas suivre une méthode homogène, quand on le compare aux divers états du texte (TM, Esd.A', Esd.B', Vg, VL); en outre, Josèphe compile parfois plusieurs livres pour un même passage, ce qui disperse considérablement les emprunts à Esd.A' et les rend plus difficiles à repérer et à étudier (à cela s'ajoute probablement aussi le recours à des sources extérieures à la Bible, encore plus difficiles à identifier). Nous pouvons distinguer dans un même livre, voire un même passage, quatre types d'attitude:
Un certain nombre des difficultés que posent les AJ s'expliquent (sans pour autant se résoudre) par la façon dont Josèphe travaillait. Avouant lui-même mal connaître la langue grecque, il affirme qu'il a eu recours à des auxiliaires qui, pour reprendre l'expression d'E.Nodet, travaillent comme des "décorateurs", apparemment sans intervenir sur le fond. Par ailleurs, Josèphe connaît à l'évidence l'hébreu et l'araméen; cela ne l'empêche pourtant pas à l'occasion de transcrire l'hébreu sans le traduire, voire de se tromper dans sa traduction (si tant est bien sûr qu'il lise le même texte que nous dans ces passages...).
Cependant, au-delà des problèmes d'identification des divers auxiliaires de Josèphe, la question qui nous concerne est de savoir quel crédit accorder à Josèphe pour une meilleure appréhension du texte d'Esd.A'. Or, il s'avère que seuls les passages où Josèphe s'éloigne de notre texte (en fonction d'un autre sens possible de l'hébreu ou de l'araméen) peuvent véritablement nous être utiles, car précisément ils nous laissent entrevoir l'état du TpM qui a pu servir de base à Josèphe et à Jason; au rebours, plus Josèphe est proche d'Esd.A', plus cette similitude peut être interprétée comme une intervention personnelle de Josèphe ou de l'un de ses assistants (qu'il s'agisse d'un choix dicté par des considérations stylistiques, ou de considérations plus profondes qui font préférer l'interprétation par la LXX d'une forme hébraïque ou araméenne difficile) .
En ce qui concerne Esd.A', et pour autant qu'on puisse avancer une théorie générale sur un auteur aussi fluctuant, il semble donc que Josèphe (ou ses collaborateurs) suive davantage le texte grec d'Esd.A' que le TpM ou Esd.B' (qu'il ne semble pas utiliser) et que ses interventions soient de deux ordres: d'une part des aménagements stylistiques qui montrent que le texte grec que suit Josèphe est bien Esd.A', d'autre part des corrections de la LXX sur l'hébreu ou l'araméen quand Josèphe n'est pas d'accord avec la traduction grecque, ou qu'il entend infléchir l'histoire dans une autre direction (cela est particulièrement manifeste dans les passages concernant les successeurs de Josias
[6]
).
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[2]
Par exemple, en I, 7 Esd.A' parle de mñsxow " taurillon ", que Josèphe remplace par boèw " bœuf ".
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[3]
Par exemple en VI, 24 au justÇn d'Esd.A' Josèphe substitue eéj¡stvn.
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[4]
En VI, 26, Esd.A' utilise le verbe ¤pimelhy°nai, Josèphe le nom ¤pim¡leian.
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[5]
Par exemple, en I, 27, Josèphe lit tojeæsaw "tirant à l'arc", en face d'Esd.A' qui parle de "chefs" (voir encore I, 28, II, 6, 8, 12, etc.).
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[6]
Voir Introduction III, 4 "Les successeurs de Josias".
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